Skip to main content
Actualité juridique

Le CSE peut obtenir la suspension de l’introduction d’outils d’IA dans l’entreprise s’il n’a pas été consulté en temps utile

Par 10 avril 2025No Comments

Le Tribunal judiciaire de Nanterre a rappelé que l’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise impose une consultation préalable du CSE, conformément à l’article L. 2312-8 du Code du travail.

Faits :

En l’espèce, l’employeur avait initié l’expérimentation de plusieurs outils d’intelligence artificielle (IA) à travers une phase pilote, avant d’envisager un déploiement plus large. Cependant, la direction n’avait entamé la consultation du CSE que tardivement, après le début de cette phase d’essai.

Estimant que cette mise en œuvre partielle constituait un trouble manifestement illicite, le CSE a saisi le juge des référés afin d’obtenir la suspension du projet et une provision sur le préjudice subi.

De son côté, l’employeur soutenait que la phase pilote relevait encore de l’expérimentation, qu’il s’agissait donc d’un acte préparatoire qui ne justifiait pas une consultation immédiate.

Décision :

Le Tribunal Judiciaire a donné raison au CSE, jugeant que la phase pilote dépassait le stade du simple test et constituait déjà une première introduction des outils d’IA dans l’organisation du travail. A cet égard, il relève notamment que, pendant cette phase préliminaire, les outils d’IA avaient vocation à être utilisés au moins partiellement par l’ensemble des salariés concernés (et non, implicitement, par un petit groupe de salariés ayant pour mission de tester ces outils).

Par conséquent, l’absence de consultation en amont constituait un trouble manifestement illicite. Le Tribunal a ainsi ordonné la suspension immédiate du projet et imposé une astreinte de 1.000 € par infraction constatée, ainsi qu’une provision de 5.000 € à valoir sur l’indemnisation au fond du préjudice subi par le CSE.

Portée :

Cette décision confirme que l’introduction de nouvelles technologies en entreprise, en particulier lorsqu’elles reposent sur l’IA, impose une consultation préalable du CSE, quand bien même celle-ci débuterait par une phase pilote destinée à permettre aux salariés de tester ces nouvelles technologies.

Dans sa décision, le Tribunal ne semble pas prendre en compte les conséquences sur les conditions de travail des salariés pour justifier l’obligation de consulter le CSE, qui a priori résulte uniquement de l’introduction des outils d’IA en tant que nouvelles technologies.

Dans une ordonnance du 15 avril 2022, le Tribunal Judiciaire de Pontoise avait déjà fait la même analyse s’agissant d’une demande d’expertise du CSE au titre de l’introduction dans l’entreprise d’un logiciel d’IA. Le Tribunal avait en effet jugé que : « l’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise justifie à elle seule le recours à l’expertsans qu’il soit nécessaire de démontrer d’emblée, l’existence de répercussions sur les conditions de travail des salariés. » (TJ Pontoise, 15 avril 2022, 22/00134).

(TJ Nanterre, 14 février 2025, n° 24/01457)